Synopsis
Dans une colonie française non identifiée en Afrique de l’Ouest, les hommes noirs s’alignent devant un prêtre blanc pour le baptême et le « renommage, » la première étape d’un processus qui les déracine et les subjugue simultanément. En France, les noirs coloniaux, encouragés par la propagande, viennent chercher une vie meilleure. Ce qu’ils trouvent, c’est le chômage ou une poignée d’emplois «sales», des conditions de vie inacceptables, un racisme nu et une indifférence bureaucratique.
Affiche
Contribution
Banlieue et monde, banlieue‑monde
Ce long-métrage retrace l’histoire de l’immigration postcoloniale française et celle des luttes anti-coloniales. Med Hondo lui-même précise dans plusieurs de ses entretiens que le film est un vomi, manière d’expulser la violence de l’assimilation. Cherchant à fabriquer un contre-récit et des contre-images, ce film s’inscrit dans une tradition de luttes contre l’image cinématographique, celle du « Troisième Cinéma » (notion développée par les réalisateurs argentins Fernando Solanas et Octavio Getino), des productions cinématographiques africaines, afro-diasporiques et d’Amérique latine. Soleil Ô a une place à part dans mes émotions cinématographiques, il a toujours été pour moi la représentation au cinéma du grand cri nègre dont parle Aimé Césaire dans la pièce de théâtre Et les chiens se taisaient. À la fin du film, le personnage principal (joué par l’acteur noir Robert Liensol) pousse un dernier cri dans sa fuite hors de la ville. On pense à la scène de marronnage de Melvin Van Peebles, réalisateur et acteur dans Sweet Sweetback’s Baadasssss Song (1971), ou encore au meurtre de Ivanhoe Martin (joué par le chanteur de reggae Jimmy Cliff) à la fin de The Harder They Come (1972) après que celui-ci a décidé de marronner. Une fois traduit dans le langage cinématographique, le cri et la fuite imposent à l’image différents mouvements de caméra, une autre manière de monter les plans, l’image et le son. Le cri comme expression fait partie intégrante de ce que le philosophe Fred Moten définit comme une tradition esthétique noire [1]. Il est, en soi, une résistance. Et Med Hondo a su traduire cinématographiquement cette idée.
[1] Lire : Fred Moten, In the Break : The Aesthetics of the Black Radical Tradition, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2003.