C’est en 2020, alors qu’elle termine son film Nous, développé pendant sa résidence artistique aux Ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil, qu’Alice Diop élabore le projet d’une Cinémathèque idéale des banlieues du monde. L’enjeu de cette cinémathèque est d’interroger les logiques d’assignation ou d’invisibilisation dans la relation critique aux œuvres et dans leur réception. Qu’est-ce que serait un·e cinéaste ou un film de banlieue ? Quelles histoires recouvrent ces qualificatifs et pourquoi ? Qu’est-ce qui fait patrimoine ?
La Cinémathèque idéale des banlieues du monde s’attache à raconter les périphéries à travers des regards multiples. Elle souligne et attire l’attention sur la richesse des formes produites autour des « banlieues du monde » et montre la singularité des démarches cinématographiques habituellement rangées sous le terme valise de « films de banlieue ». Ainsi, elle s’intéresse aux nombreux cinéastes qui ont représenté la banlieue française, de Maurice Pialat avec L’Amour existe (1960) à Georges Lacombe avec La Zone (1932) en passant par Alice Diop avec Nous (2021), autant qu’à toutes celles et ceux qui partout ailleurs, prennent soin, par le cinéma, des lieux mis au ban du monde. Cette cinémathèque se réapproprie ainsi le terme de « banlieue », non pour produire un contre-récit mais pour élargir, nourrir, compléter, des récits nationaux complexes. Interrogeant les logiques de représentation, contribuant à la reconnaissance d'œuvres et d’artistes en faisant connaître, voir ou revoir des films peu repérés, peu célébrés ou incorrectement partagés, la Cinémathèque idéale des banlieues du monde participe à écrire d’autres histoires du cinéma.
La Cinémathèque idéale des banlieues du monde donne lieu à des programmes de rencontres et de projections au Centre Pompidou, aux Ateliers Médicis, sur un site web dédié à partir de 2023 ainsi que dans des lieux partenaires à travers le monde. Elle développe aussi des actions de formation et de soutien à la production.
« Le projet d’une cinémathèque idéale des banlieues du monde est d’inscrire les mémoires, les histoires issues des quartiers populaires, mais également de compléter une production d’images qui n’a été faite qu’à partir du centre, par des gens qui avaient le pouvoir et le droit aux récits. Il s’agit de raconter, de dessiner, d’archiver ces histoires, qui font partie de l’histoire française, en les plaçant dans un lieu institutionnel d’où elles sont encore largement absentes. C’est combler les trous, les absences, les silences. »
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